«Unique en son genre»: une exposition inclusive
MONTRÉAL — L’identité de genre concerne tout le monde : c’est ce que veut démontrer la nouvelle exposition «Unique en son genre»,présentée dès mercredi au Musée de la civilisation de Québec. L’exposition entremêlant œuvres d’art, vidéos et objets historiques, illustre la pluralité des concepts entourant la notion de genre, qui va bien au-delà de la binarité masculin-féminin.
«L’approche qu’on a choisi d’emprunter, c’est de dire qu’on va accompagner les gens», affirme d’emblée Caroline Lantagne, chargée de projets d’expositions au Musée. Elle souligne que l’exposition propose un «parcours graduel» pour favoriser l’apprentissage de tous les visiteurs, peu importe leur niveau de connaissances sur la diversité de genre.
«On s’est dit qu’on allait vraiment montrer de quoi on parle quand on parle du genre, en le plaçant dans une perspective plus large, qui est celle des identités, pour que tout le monde se sente interpellé», renchérit Mme Lantagne, en disant que «tout le monde a un genre».
Pour Marie-Philippe Phillie-Drouin, qui se trouve à la direction générale de l’organisme Divergenres, l’exposition «représente une opportunité inouïe de rejoindre un grand public. Grand public, qui s’intéresse de plus en plus aux enjeux de genre, aux réalités trans». Marie-Philippe fait aussi partie du comité scientifique qui a été consulté pour élaborer l’exposition.
«Il existe une très grande méconnaissance des enjeux de genre, tout simplement parce que ça ne fait pas partie du curriculum de notre système d’éducation, explique Marie-Philippe, qui est une personne trans non binaire qui utilise le pronom iel. Pour moi c’est un tremplin pour éduquer une population non seulement dans la Capitale-Nationale, mais aussi partout au Québec, parce que Québec est une ville touristique, donc les gens s’y déplacent».
L’exposition se divise en plusieurs sections distinctes. La première s’attarde aux notions de base concernant le genre, en expliquant ce qu’est le concept de binarité, ou de sexe assigné à la naissance. La diversité qui existe dans la nature quant aux notions de genre est ensuite abordée. Par exemple, chez les hippocampes, ce sont les mâles qui portent les œufs dans une poche ventrale jusqu’à leur éclosion.
«On présente dans notre parcours, à chacune des étapes, des témoignages. Dans ce cas-ci, des personnes qui sont à la fois des personnes intersexes, mais aussi des spécialistes», ajoute Caroline Lantagne.
La troisième portion de l’exposition aborde les notions de genre d’un point de vue anthropologique, en présentant notamment comment, dans certaines cultures, des hommes effectuent des tâches que nous considérons comme traditionnellement féminines.
La notion d’un «troisième genre» dans certaines communautés est aussi détaillée, tout comme la bispiritualité chez les peuples autochtones. Une œuvre de l’artiste cri Kent Monkman, qui inclut fréquemment un personnage non binaire au sein de ses toiles, est également affichée.
«Unique en son genre» présente une multitude d’objets, comme des robes pour garçons datant du début du XXe siècle, dans la portion de l’exposition s’attardant à l’hétéro cisnormativité. C’est-à-dire, qui se penche sur le fait qu’être hétérosexuel et cisgenre est «la norme» et que toute personne qui ne se conforme pas à ces critères se voit dans l’obligation de « sortir du placard». Les visiteurs pourront aussi en apprendre plus sur les différents mouvements sociaux féministes, queer et trans actuels et leur histoire.
L’exposition se termine en célébrant la résilience et la créativité des personnes trans et non binaires, que ce soit dans la littérature, le cinéma, ou l’art du drag. Un costume de la populaire drag queen Rita Baga est d’ailleurs exposé. Deux installations artistiques où auront lieu des performances ponctuelles se trouvent aussi à la fin de la visite.
«Les personnes trans sont des êtres humains»
L’exposition «Unique en son genre» s’inscrit dans l’actualité, alors que des manifestations anti-drag se tiennent au Canada comme aux États-Unis.
«Quand il y a des inquiétudes ou des peurs autour du drag, c’est qu’on comprend mal ce qui relève de la personnalité versus ce qui relève de la performance artistique dans le but de divertir un public. [C’est de la] mécompréhension aussi de comment l’art s’adapte en fonction des milieux», évoque Marie-Philippe Phillie-Drouin.
«Ce que j’aimerais que les gens retiennent, c’est que les personnes trans sont des êtres humains, et qu’on est beaucoup plus complexes que notre parcours de transition, que notre identité de genre. On est des membres de leur famille, on est des citoyens et citoyennes, on est des collègues de travail», ajoute Marie-Philippe, en soulignant qu’«Unique en son genre» propose un regard nuancé, en montrant que les personnes appartenant à la diversité sexuelle et de genre ne forment pas un groupe homogène.
Pour Caroline Lantagne, l’exposition s’arrime à la volonté du musée de «placer l’humain au cœur de ses préoccupations».
«Unique en son genre» est présenté jusqu’au 14 avril 2024.
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Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.